Les soeurs Wickwood

Avec un univers gothique à souhait, Les soeurs Wickwood a non seulement un univers fort sympathique, mais aussi quatre héros que j’ai adorés.

Résumé : Quand les soeurs Wickwood, dernières descendantes d’une dynastie d’occultistes royaux, sont convoquées au palais du nouveau souverain, Aloysius l’Attendu, elles comprennent que leur vie est sur le point de changer. Si Médora se méfie, sa soeur Allégra, réduite à l’état de spectre depuis sa mort dans l’incendie qui a emporté le reste de la famille, est bien décidée à redorer le blason familial. Les deux soeurs s’engagent dans une aventure afin de retrouver le Livre des Mondes Obscurs écrit par leur ancêtre, Aleister Wickwood qui les mènera jusqu’aux confins du royaume. Mais quels secrets cache ce grimoire ? Seraient-ils liés à l’extermination du clan quelques années plus tôt ? Toutes les vérités ne sont pas bonnes à savoir…

Les soeurs Wickwood était dans ma pile à lire depuis un petit moment maintenant. Je ne vais pas le cacher, c’est la couverture de Charlie Bowater qui m’a incité à prendre le livre, puis le résumé bien entendu… Personne ici n’achète de livres juste pour la couverture… Hem, hem… Fort heureusement, l’histoire avait de quoi me plaire entre une ambiance gothique, une quête, une prophétie, deux soeurs totalement opposées et beaucoup, beaucoup de secrets.

Le ton est très vite donné. C’est un point que j’aime beaucoup dans un roman, le fait d’en venir directement à l’essentiel et de faire découvrir l’univers petit à petit sans étouffer le lecteur sous une tonne d’informations. On cerne aussi rapidement la psychologie des deux soeurs Wickwood, Medora et Allegra. L’une est taciturne à souhait, ne semble s’exprimer qu’en mordant tandis que l’autre est une affable créature tout en douceur. Le jour et la nuit, la vie et la mort. Un duo assez étrange et improbable, mais qui fonctionne parfaitement. Les deux soeurs sont à l’opposé l’une de l’autre, mais elles s’aiment plus que tout et sont prêtes à tout l’une pour l’autre. Et c’est le genre de fratrie que j’adore, vous le savez. Quand l’occasion de redorer le blason de leur famille, longtemps plongée dans l’oubli, et sortir de la misère, se présente à elles, le choix est très vite fait. Mais la quête dans laquelle elles se lancent pourrait révéler des secrets qu’elles auraient préféré ne pas découvrir.

L’histoire des soeurs Wickwood est assez sombre sans tomber non plus dans l’angoissant. C’est gothique, juste ce qu’il faut. On comprend très rapidement que les choses ne vont pas être faciles, ni pour elles ni pour leurs deux compagnons : leur timide voisin Cornélius et Raph, un garde royal qui leur a été mis dans les pattes et ne s’exprime qu’en grognant. La quête en elle-même semble impossible, et pourtant, on souhaite que cette petite troupe réussisse. A chaque nouvel indice, c’est un sursaut d’espoir qui nous gagne, et en même temps, il y a aussi ce petit je ne sais quoi qui nous murmure que laisser ce grimoire en paix ainsi que les mystères qui l’entourent serait une bonne chose. Mais c’est la vie de Medora qui est en jeu… Les enjeux sont bien plus importants que faire revivre les occultistes royaux, c’est la vie de notre héroïne et par ricochet celles de tout le pays qu’il faut sauver. Une pression qui se ressent à chaque page et qui ajoute une touche d’émotion toute particulière.

Outre la quête en elle-même, nous découvrons aussi quatre personnalités. Chaque membre de cette aventure évolue doucement au fil des aléas qu’ils rencontrent. Ils s’apprivoisent aussi également. Leurs sentiments et les dynamiques se font plus ténus et le groupe se rapproche indéniablement. C’est parfois subtil, mais la narration qui donne la parole à six personnages clés permet de mieux appréhender tout cela. C’était d’ailleurs une excellente idée, car les non-dits sont nombreux. Et puis, indéniablement, on s’attache à ce petit groupe d’outcasts.

La quête est prenante à souhait. Je me suis prise au jeu sans aucun souci, et les différentes épreuves qui se mettent sur le chemin des héros donnent cette petite touche d’adrénaline qui permet de garder le lecteur en haleine. On découvre au passage un monde qui est sur la bascule entre les croyances surnaturelles et la modernité liée à la médecine. On retrouve bien entendu la misogynie, la peur de ce que l’on ne comprend pas, l’écart monstrueux entre riches et pauvres… Des éléments qui alourdissent l’ambiance, certes, mais qui permettent aussi à nos héros d’avoir des batailles plus profondes. La place de la femme est d’ailleurs au centre de beaucoup de choses, sans non plus tomber dans le militantisme, et c’est toujours chouette à lire. Au fur et à mesure des découvertes de Medora et Allegra, on comprend aussi que l’on doit se construire par soi-même, et que la famille est parfois plus un poids qu’un allié, et qu’un « héritage » ne vaut pas toujours tous les sacrifices.

Les quelques rebondissements sont plutôt sympathiques, même si des indices nous mettaient sur la voie très rapidement. Je sais que certains ont trouvé léger le traitement du passé de Raph, mais pour ma part, je retiens surtout le fait que Medora, Allegra et Cornélius l’acceptent comme il est sans l’appesantir de questions. C’est pour moi un parallèle avec l’amnésie des soeurs Wickwood et surtout leurs mentalités à toutes les deux. Ce ne sont pas les détails ni notre passé qui fait de nous ce que l’on ai, mais nos actions. Et en soi, j’ai trouvé très rafraichissant le traitement choisi par l’auteure.

Une fin sous haute tension avec des révélations douloureuses, mais qui est en adéquation avec ses personnages. Une évolution très réussie de ce quatuor très attachant. Une intrigue qui tient la route et semée d’embuches. Un univers particulier, un peu oppressant, mais qui révèle aussi parfois une beauté cachée. Et un moment agréable pour ce one-shot particulier qui va à l’essentiel.